En Afrique de l’Ouest, en réaction à l’introduction de semences améliorées, hybrides, voire de variétés génétiquement modifiées, de plus en plus de paysan-e-s prennent conscience de l’intérêt de conserver, multiplier et sélectionner leurs variétés traditionnelles locales et paysannes. Avec eux, BEDE « sème et cultive » le concept des « Maisons de la semence », venu du Brésil et devenant en Afrique de l’Ouest des « Cases de semences ». Chaque case est différente, tant dans sa naissance, son histoire que son organisation.
► Au Togo: En 2009, BEDE facilite la participation de paysan-e-s de la sous-région à la foire des semences paysannes. Pour Jacques Nametougli, qui vend des semences et des engrais depuis son centre de formation agricole (CD2A: Centre pour le Développement Agricole et Artisanal), c’est un déclic, et il s’engage alors à reconvertir ses champs et pratiques en agroécologie paysanne. Il commence en 2010 la tournée des villages à la recherche des connaissances sur les variétés locales auprès des anciens. Un réseau informel se constitue. BEDE l’accompagnera pour que soit créée, fin 2011, la coopérative Agrobio-Savanes, première Case de semences au Togo. Il n’y a pas de case physique centralisée. Les semences sont stockées le plus souvent chez les adhérents et/ou au CD2A, d’où elles sont mises en circulation, souvent en vente, parfois données, prêtées ou échangées. Ce grand travail d’Agrobio-Savanes va prochainement aboutir à l’édition de fiches descriptives des principales variétés de céréales et de potagères traditionnelles et locales cultivées au nord Togo. Ce genre d’action, le cas échéant, peut permettre de les protéger des risques de bio-piratage.
► Au Bénin: Le contexte est différent, mais la naissance du grenier de semences de Bariénou commence également suite aux échanges de 2009 au Sénégal puis au Mali. Omer Agoligan, alors producteur de semences de maïs en agriculture chimique, découvre qu’il est, comme beaucoup d‘agriculteurs, victime des multinationales qui bénéficient de la complicité des gouvernements. Il se lance alors dans le combat pour l’agroécologie et les semences paysannes. Avec les paysans de Bariénou, il crée l’ORAD (Organisation des Ruraux pour une Agriculture Durable). Les premières actions concernent la formation au compostage, mais se développe aussi au sein des villages l’idée de s’organiser autour de la biodiversité. Un grenier traditionnel mais collectif est créé. Ce dernier reçoit les échantillons des semences cultivées dans le village. Un comité de suivi dont l’imam est le responsable, gère les entrées, les sorties et la conservation des semences. Chaque paysan a à charge la culture et la conservation d’au moins une variété traditionnelle.
► Au Sénégal: Créée en 2003, l’ASPSP (Association Sénégalaise des Producteurs de Semences Paysannes) est une véritable case de semences de niveau national, avec un référencement des espèces et variétés de ses membres, des formations à la production de semences paysannes, des foires d’échanges…
♦ Plus localement, sur la ferme de Biolopin à Djimini, une case traditionnelle a été construite en mai 2013 en collaboration avec BEDE (photo ci-dessus). Lamine Biaye en est l’initiateur principal et le responsable. On y retrouve les semences de Biolopin et une partie de plus en plus importante des semences du groupement de femmes de Tessito. Cet outil devrait permettre de mieux organiser la conservation et la diffusion dans l’entourage voire au niveau du pays.
♦ La seconde Case de semences est née à Médina Wandifa, à l’initiative de l’association Baragnigni, composée essentiellement de femmes. Leur détermination sur le sujet a permis de construire un grenier à semences traditionnel pour les céréales, et de trouver un local pour les semences maraîchères. A l’origine, il n’a pas été spécifiquement construit pour conserver les semences, mais il est utilisé en attendant de pouvoir en construire un spécialement dédié. C’est un des membres qui gère les stocks et la distribution des semences.
Les cases de semences ont chacune leur spécificité et leur chemin. Il reste encore beaucoup de choses à affiner : s’organiser sur la sélection, les bonnes pratiques de conservation, de stockage-étiquetage, la valorisation, la promotion, etc. Mais la dynamique est lancée et il faut maintenant qu’évolue cette diversité de cases des semences adaptées à chaque terroir.
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