L'Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA) a récemment adopté une décision majeure lors de son Conseil des ministres en décembre 2022. Cette décision concerne directement les églises et les mosquées situées dans les dix-sept pays membres de l'OHADA. À partir du 1er janvier 2024, ces institutions religieuses sont désormais tenues de tenir une comptabilité formelle. Cette décision a suscité de nombreuses réactions et spéculations, notamment au Bénin, où elle a soulevé des questions sur les implications fiscales pour ces organisations. Dans cet article, nous explorerons en détail les raisons derrière cette décision de l'OHADA, son impact potentiel sur les églises et les mosquées, ainsi que les perspectives et les implications pour les institutions religieuses.
L'OHADA et son rôle en Afrique
L'Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA) est une institution intergouvernementale créée en 1993. Elle regroupe dix-sept pays africains membres, dont le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, la Centrafrique, la Côte d'Ivoire, le Congo, les Comores, le Gabon, la Guinée-Bissau, la Guinée-Équatoriale, le Mali, le Niger, la République démocratique du Congo, le Sénégal, le Tchad et le Togo. L'OHADA a pour objectif principal d'harmoniser le droit des affaires au sein de ses États membres, afin de faciliter les échanges commerciaux et l'investissement dans la région. Elle a mis en place un ensemble de lois commerciales uniformes, de conventions et d'actes uniformes qui régissent divers aspects du droit des affaires, y compris les contrats, les sociétés, les faillites et les règlements des litiges.
La nouvelle exigence de comptabilité pour les églises et les mosquées
L'une des décisions les plus récentes de l'OHADA est l'obligation pour les églises et les mosquées de tenir une comptabilité formelle. Cela signifie que ces institutions religieuses devront mettre en place des systèmes comptables et financiers pour enregistrer leurs revenus, leurs dépenses et leurs actifs, de manière transparente et organisée. Le but de cette décision est de permettre une meilleure traçabilité des ressources financières qui circulent au sein de ces organisations religieuses.
L'OHADA justifie cette exigence en expliquant que de nombreuses églises et mosquées, en tant qu'entités à but non lucratif, gèrent des sommes d'argent considérables. Cette argent peut provenir de diverses sources, telles que les dons des fidèles, les offrandes, les quêtes, les ventes de biens et de services, les investissements, etc. La mise en place d'une comptabilité formelle permettra de suivre l'utilisation de ces fonds, d'assurer une gestion financière responsable et de garantir la transparence.
Les implications et les préoccupations
La décision de l'OHADA d'obliger les églises et les mosquées à tenir une comptabilité formelle a suscité des réactions variées. Au Bénin, en particulier, cette décision a provoqué une certaine controverse et des inquiétudes quant à ses implications fiscales potentielles. Les citoyens se demandent si cela signifiera que les institutions religieuses devront payer des impôts sur leurs revenus.
Cependant, selon des experts juridiques, la décision de l'OHADA n'implique pas automatiquement que les églises et les mosquées seront soumises à l'impôt sur le revenu. Au contraire, il s'agit davantage d'une mesure visant à renforcer la transparence financière au sein de ces organisations. Les autorités fiscales pourraient utiliser ces comptabilités pour vérifier que les fonds sont utilisés conformément aux objectifs religieux et à but non lucratif des institutions. Cela peut également aider à prévenir les abus financiers ou les activités frauduleuses au sein de ces organisations.
Le contexte international et régional
Il est important de noter que la décision de l'OHADA de demander aux églises et aux mosquées de tenir une comptabilité s'inscrit dans un contexte plus large de réglementation accrue des organisations religieuses à travers le monde. De nombreux pays et régions ont renforcé leurs réglementations en matière de financement des institutions religieuses pour diverses raisons. Certains cherchent à lutter contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, tandis que d'autres visent à garantir la transparence financière et à prévenir les abus financiers.
En Afrique, plusieurs pays ont également pris des mesures pour réglementer davantage les activités financières des organisations religieuses. Les préoccupations concernant la gestion des fonds dans ces institutions, ainsi que le besoin de prévenir les dérives, ont incité de nombreux gouvernements à mettre en place des mécanismes de supervision financière.
Perspectives pour les institutions religieuses et les autorités
Alors que la décision de l'OHADA entre en vigueur à partir de 2024, les églises et les mosquées auront besoin de mettre en place des systèmes comptables conformes aux normes établies. Cela pourrait nécessiter des ajustements organisationnels et la formation du personnel en matière de comptabilité et de gestion financière. De plus, il sera essentiel de veiller à ce que ces nouvelles exigences ne restreignent pas indûment les activités religieuses ou n'entravent pas leur mission spirituelle.
D'un point de vue gouvernemental, il sera essentiel de s'assurer que la mise en œuvre de ces règles se fasse de manière transparente et que les institutions religieuses reçoivent le soutien et les ressources nécessaires pour se conformer. Il faudra également clarifier les questions fiscales et veiller à ce que les organisations religieuses continuent de bénéficier des exonérations fiscales auxquelles elles ont droit en tant qu'entités à but non lucratif.
La décision de l'OHADA d'obliger les églises et les mosquées à tenir une comptabilité formelle est donc un développement significatif qui soulève des questions importantes sur la réglementation, la transparence financière et les relations entre l'État et les institutions religieuses en Afrique. Il sera intéressant de suivre comment cette décision est mise en œuvre et comment elle affectera ces organisations dans les années à venir.
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